Domaine Berthet-Bondet : Hélène Berthet-Bondet, élue vigneronne de l'année du Guide Hachette des Vins 2022 dans le Jura
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Qu’est-ce qui vous a conduit à reprendre le domaine en 2018 à la suite de vos parents ?
C’est une reconversion professionnelle : j’ai été traductrice à Bruxelles pendant 10 ans et en 2013, j’ai décidé de revenir au domaine.
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Comment est venue cette envie de reconversion ?
Par amour du vin tout simplement. Cela a commencé à me titiller entre 25 et 30 ans. J’aimais de plus en plus déguster, parler du vin et en entendre parler. Je rendais service à mon père en allant sur des salons, des voyages à l’export, etc. Cela m’a permis de rencontrer le milieu vigneron et de faire mûrir tout cela dans ma tête. C’était également un projet familial de retour à la campagne pour élever mes enfants ici.
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Aviez-vous en tête de faire évoluer le domaine dans un sens particulier ?
Quelques nouveautés vont arriver avec le millésime 2020 : une cuvée de rouge 100 % pinot noir avec un élevage en fût, avec l’idée de la faire passer un deuxième hiver en cave. Je crois que le Jura peut donner des pinots noirs un peu plus ambitieux. Je prépare aussi un savagnin ouillé élevé en fût d’acacia, pour explorer une autre expression de ce cépage. J’ai fait aussi un rosé en 2018 et en 2019.
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Quelles sont les caractéristiques de ce côtes-du-jura Savagnin 2016 récompensé par un coup de cœur ?
C’est un assemblage de différentes parcelles sur Château-Chalon. Le terroir est constitué de marnes grises avec un peu d’éboulis calcaire. Certaines vignes sont dédiées à cette cuvée, mais elle comprend aussi des replis de château-chalon en cours d’élevage.
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Qu’est-ce qui distingue ce côtes-du-jura de votre cuvée Tradition, qui a reçu un coup de cœur sur ce même millésime l’an dernier ?
La cuvée Tradition, avec 80 % de chardonnay, est vraiment un vin d’initiation pour les gens qui découvrent les cuvées oxydatives. Le chardonnay arrondit les angles du savagnin, avec son côté plus rond, plus fruité. Je parle volontiers d’une texture crémeuse. Alors que le savagnin est plus vif, mordant, sur les zestes d’agrumes. Les gens qui repartent avec des bouteilles de savagnin ont déjà une connaissance des vins oxydatifs du Jura.
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Vous évoquez une garde de 30 ans pour un savagnin. Vous confirmez ?
Oui, complétement, surtout pour un millésime comme 2016. On parle beaucoup du changement climatique, mais il y a quand même quelques exceptions comme 2013 et 2016. Le temps était difficile, mais nous aimons bien avoir des maturités plus tardives et de belles acidités.
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Le suivi de la vinification doit-il être particulièrement méticuleux sur ces vins élevés sous voile ?
Oui. C’est un gros travail en cave. Tous nos vins sous voile sont analysés deux fois par an pour savoir si nous poursuivons l’élevage ou si nous mettons en bouteille un peu plus tôt que prévu. Nous goûtons, examinons les voiles, etc. Nous avons beaucoup de fûts anciens, d’une vingtaine d’années en moyenne.
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Quels types d’accords mets et vins suggérez-vous ?
Le côtes-du-Jura est élevé 3 ans, contre 6 pour un château-chalon. C’est un peu un « demi-vin jaune ». Nous sommes sur les mêmes types d’accords traditionnels : vieux comté, morilles, poulet au vin jaune, etc. Pour être plus original, on peut aussi suggérer des cuisines exotiques : indienne, asiatique, avec du curry, du gingembre, du curcuma…
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Les vins du Jura sont de plus en plus prisés des amateurs. Comment l’expliquez-vous ?
Le Jura s’est ouvert vers l’extérieur depuis quelques années grâce aux vins ouillés. Ils ont permis d’amener des amateurs et ensuite de leur faire découvrir le reste de la gamme avec ces fameux vins typés. Les gens sont aussi parfois lassés des grands classiques, Bordeaux, Bourgogne, etc. Plus généralement, ils recherchent des vignerons authentiques, une région un peu à part, secrète. Ils veulent de la nouveauté même si, par la force des choses, on sera un jour de moins en moins inconnu…