Ophélie Lapie Lamiable, élue vigneronne de l'année du Guide 2023 en Champagne au vignoble Lamiable
Vous avez grandi sur la Côte d’Azur ?
À 7 ans, je suis partie vivre à Nice avec ma maman. Je n’avais jamais vraiment pensé revenir en Champagne. Au moment des choix d’orientation, j’avais pourtant demandé des renseignements sur l’œnologie. Mes profs ayant pointé mon niveau trop juste en chimie, j’ai opté pour des études de commerce. Jusqu’au jour où, à l’âge de 20 ans, en vacances chez mon père, j’ai appris l’existence d’une formation pour adultes à Avize, le BTS Viti-Œno.
La rentrée suivante, j’avais déménagé en Champagne. Les débuts ont été laborieux… J’ai été assez surprise et très fière de décrocher mon BTS. Puis, naturellement, j’ai intégré l’exploitation familiale. Pendant ma formation, j’ai rencontré mon mari, Arnaud Lapie. Nous avons gardé en propre nos vignobles en adoptant le statut de négociant pour commercialiser nos cuvées.
Arnaud détient 2 ha (à Billy-le-Grand, 1er cru de la Montagne, au sud-est, et dans l’Aube). Le vignoble Lamiable, en conversion bio, compte 5,7 ha en grand cru, à Bouzy et surtout à Tours-sur-Marne, un grand cru peu étendu, tourné vers la Montagne de Reims. Le style maison c’est Tours-sur-Marne, l’assemblage historique 60 % pinot noir 40 % chardonnay, fruité et élégant.
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Champagne Lamiable Blanc de noirs Les Meslaines Grand cru 2013
Venons-en à la cuvée des Meslaines…
Lors de la vendange 1995, mon père a décidé d’isoler la plus vieille parcelle de pinot noir de la maison, plantée en 1953 au lieu-dit Les Vignes des Meslaines. Vendu sous le nom de Cuvée de l’An 2000, ce champagne a été salué par la critique. Depuis lors, cette Meslaines, vieillie de 6 à 7 ans, est l’âme de la maison. Elle symbolise le passage des générations, la transmission : une vigne plantée par mon grand-père, une cuvée créée par mon père : 100 % Tours-sur-Marne, 100 % pinot noir, 100 % Lamiable !
Chaque année, cette parcelle est vinifiée seule, en cuve émail ou Inox. J’élabore entre 500 et 3 000 bouteilles de Meslaines, en fonction de l’année… 2013 est mon unique vendange d’octobre, car les années tardives se font rares. En automne, on craint toujours que le raisin ne mûrisse pas bien. Les années compliquées peuvent être de belles surprises, comme en témoigne ce 2013.
Le style des pinots noirs des Meslaines est régulier. Des dégustateurs professionnels m’ont déjà dit à plusieurs reprises que ces pinots, dont les grains sont assez gros, avaient un goût unique. Malgré son âge, la parcelle a un bon rendement (de 7 à 8_000 kg /ha). Surtout, elle a su s’adapter à la cohabitation avec l’herbe et au passage au bio. La difficulté est de trouver la date de cueillette optimale, en dégustant des baies : je cherche des raisins mûrs pour des arômes riches, fruités et gourmands, mais pas trop lourds.
En matière de vinification, j’expérimente en fonction de l’année : plus de fermentation malolactique depuis le 2018 et, pour le 2021, trois essais : en cuve, en œuf et en fût. Nous faisons aussi des essais de dosage. Pour les millésimes, je ne vais guère au-delà de 6,5 g/l, sinon, pourquoi millésimer ? Pour notre Meslaines 2013, nous avions convié quelques amis vignerons et amateurs éclairés à nous aider dans notre choix. On les réinvitera !