Christian Seely, élu vigneron de l'année du Guide Hachette 2018, Château Suduiraut (Bordelais)
Merci, Monsieur Seely, de nous accorder cet entretien, sacrifiant ainsi un temps précieux.
Je reçois toujours le Guide Hachette avec plaisir. Ses distinctions nous comblent de joie. Elles encouragent notre vision qualitative sur le long terme et non sur les rentabilités immédiates. Cela prouve que nos sacrifices, notamment sur les volumes, sont récompensés. Et, j’oserais dire, par « l’assentiment de la voix du cœur » de nos clients.
Qu’entendez-vous exactement par « vision qualitative sur le long terme » ?
Par rapport au vin, je pense posséder un double recul, résultat, en premier lieu, de ma formation littéraire. Elle m’a donné une large vision humaniste du « phénomène vin » que je perçois comme l’un des actes fondateurs de notre civilisation. Je dirais ensuite qu’étant Britannique, je peux me distancier par rapport aux vins français.
Vous êtes cependant un peu « chez vous » en Aquitaine...
Si vous voulez... Mais, pour être plus précis, j’ai souvent pensé - ce n’est pas faire injure à ceux qui possèdent d’enviables formations viticoles ! - qu’en matière de commerce des vins, les études littéraires étaient plus utiles que les études pratiques.
Le pouvoir des mots ?
Pas simplement. Les nouveaux marchés qui découvrent le vin découvrent aussi la culture qui l’accompagne. C’est elle, plus que le vin, qui rapproche les hommes. Les efforts œnotouristiques en sont la preuve.
Quelle place occupe alors l’œnologie ?
Elle est primordiale. Elle se situe au niveau du culturel. Plus ce dernier est ambitieux, plus l’équipe vigneronne (directeur technique, maîtres de chais ou de culture, agronomes, vendangeurs) doit être performante. S’impose alors pour tous une vision claire du projet. Outre le plaisir à apporter, apparaissent le devoir dû aux générations antérieures et nos responsabilités pour un futur qu’il convient de léguer en bon état.
Une vision humaniste au service des grands vins et de grands vins au service d’une vision humaniste ?
L’équation est enfermée dans votre formule. Maintenir ces ambitions obligera à vaincre d’autres obstacles.
Lesquels ?
Ceux d’une « éthique moderniste » qui diabolise le sucre, question de santé, voire d’esthétique. L’âge d’or des vins liquoreux fut le XIXe s. Le sucre, rare, était alors précieux ; aujourd’hui, il règne. Conséquence ? Nous vivons une situation paradoxale : jamais les liquoreux n’ont été aussi bons et le marché aussi difficile.
Des parades ?
Nos œnologues s’y emploient. Réduction des quantités de sucre dans nos liquoreux, y compris dans notre second vin. Nous avons également fait le choix de produire de grands blancs secs. Les terroirs s’y prêtent. Une appellation « sauternes sec » naîtra bientôt.
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