Michel Drappier, élu vigneron de l'année du Guide Hachette 2018, Maison Drappier (Champagne)
Michel Drappier, au cours de nos échanges, vos propos trahissent un attachement profond à Urville.
C’est tout à fait exact. Je me sens rivé à ce Barrois viticole où j’ai grandi et que j’ai dû quitter quelques années, le temps d’assurer ma formation en Bourgogne, au lycée viticole de Beaune. Imaginez un peu ! Un gamin de 15 ans élevé dans un cocon familial où tout n’est qu’amour, qui s’évade vers les mystères d’une sorte d’eldorado où s’élaborent les grands vins...
Eldorado culturel et bachique. Et, de plus, en internat ! Cela fut-il un choc ?
Du tout ! Pas le moindre spleen. Grâce, je pense, à un enseignement d’excellente qualité, animé par des maîtres qui surent parfaire mon intuition. Une intuition qui me guidait vers les vins élégants. Cette idée, je l’avais appréhendée au contact d’André, mon père, et de mon grand-père, surnommé le « Père Pinot ». C’est lui qui perçut les immenses ressources du pinot noir, ce pinot noir dont on a dit qu’il « coulait dans mes veines », et qui confronté à nos terroirs kimméridgiens est à l’origine de nos plus belles cuvées. Il a fixé mon désir d’être vigneron. Ici et pas ailleurs. Ici où, depuis 1808, battent nos cœurs. Ici, où l’œnotourisme peine à s’imposer, mais où nous avons la chance de posséder des caves datant de l’époque de Bernard de Clairvaux (XIIe s.). Autant dire que tout cet ensemble du passé impose des devoirs.
Des devoirs respectueux du passé et aboutissant néanmoins à des conduites adaptant le meilleur de la modernité aux conduites agro-viticoles. C’est, par exemple, ce qui vient à l’esprit au spectacle d’un de vos fils labourant « à l’ancienne », encourageant son cheval de la voix et de l’aiguillon, et que, parallèlement, le regard est attiré par ce toit photovoltaïque étonnamment « moderne ».
Ce n’est pas incompatible. Il faudra bien revenir à des rencontres plus patientes avec nos terroirs. Notre avenir écologique est en jeu. Ce toit photovoltaïque réduit de 20 % la consommation électrique du domaine. Il a l’apparence d’un objet inanimé. Pourtant, il a une âme, autant que nos anciens caveaux ou que notre cuve « Ovum », en bois, où le temps des élevages respecte le nombre d’or.
Et les coups de cœur du Guide dans tout cela ?
Au delà de l’immense bonheur qu’ils procurent et des retombées qui assoient la renommée, ils constituent un indubitable lien affectif entre tous ceux qui travaillent ici - vous avez remarqué combien différents métiers sont à l’ouvrage en ces lieux ! - et notre clientèle. Elle aussi, nous le percevons, se sent, à sa façon, récompensée de la confiance qu’elle nous accorde. Cette connivence se mesure à l’aune des plaisirs partagés. Elle n’a pas de prix.
Découvrez le vin Coup de Coeur de Michel Drappier sélectionné par le Guide Hachette des Vins 2018 !