Primeurs dans le Bordelais : verdict sur le millésime 2015
Vins de Bordeaux : fin de la fronde ?
Le principe des primeurs : déguster, en avant-première, des vins encore en élevage en barrique, qui ne seront livrés que dans deux ans environ. Cette spécificité bordelaise a fait les grands jours du premier vignoble français en appellation mais, depuis quelques années, a suscité ce qu’on appelle le Bordeaux bashing. En d’autres termes, une fronde contre les vins bordelais, essentiellement imputable à un phénomène de spéculation sur les crus les plus prestigieux, devenus inaccessibles aux prescripteurs comme aux amateurs français.
Après quatre récoltes en demi-teinte, tant qualitativement que commercialement, Bordeaux a donc besoin de redorer son blason et de relancer la machine sur le marché hexagonal, avec un bon millésime proposé à juste prix.
2015 : un millésime prometteur
Et justement, la qualité semble être au rendez-vous. Tout a commencé par un hiver pluvieux, qui a créé des réserves d’eau suffisantes, permettant d’affronter un été particulièrement chaud, bien que moins caniculaire que l’été 2003, resté dans les annales. De l’avis de nombreux vignerons, la chaleur a été mieux répartie qu’en 2003, et donc mieux supportée par la vigne.
Contrairement à ce que pouvait laisser augurer la météo, les degrés sont donc dans l’ensemble plutôt modérés, et les acidités moins basses qu’annoncé.
Pleins feux sur Saint-Emilion, les Graves et Margaux
Un bémol cependant : il a moins plu en moyenne sur la « rive droite » (en Libournais, autour de Saint-Emilion). Sur la « rive gauche » (de la Garonne, dans le Médoc), la zone nord a reçu plus d’eau, peu de temps avant le début des vendanges, que la zone sud. Une différence qui apparaît lors des dégustations, avec des vins d’un excellent équilibre à Saint-Emilion ou dans les Graves par exemple.
Dans le Médoc le niveau qualitatif se montre pour l’instant plus divers, avec de très jolis vins du côté de Moulis, de Listrac ou de Margaux, et dans le Haut-Médoc, tandis que plus au nord, les appellations médoc ou saint-estèphe apparaissent plus hétérogènes.
A ces nuances près, 2015 s’annonce comme un millésime de très bon niveau, avec des vins au fruité pur et des élevages maîtrisés, voire discrets, qui renouent avec la tradition de la finesse des crus du bordelais.
Fin de l’ère Parker
« Il s’agit du premier millésime sans les notes de Robert Parker », font remarquer, non sans malice, de nombreux professionnels. Chaque année, les notes fiévreusement attendues du célèbre critique américain conditionnaient la fixation des prix par les châteaux.
On peut imaginer dans ces conditions que le négoce va retrouver un vrai rôle de prescripteur, et d’intermédiaire entre la propriété et le consommateur final, faisant valoir sa connaissance du marché. Et ce d’autant plus que le retour des Américains et des Asiatiques (plus seulement les Chinois) est annoncé. Les consommateurs européens, français en tête mais aussi anglais, allemands et belges, sont également demandeurs.
Tous les feux sont au vert pour une campagne primeur réussie qui relancerait l’intérêt pour les vins de Bordeaux, mais à une condition : que les prix ne flambent pas. On le saura d’ici à fin juin.