Nouveaux Sauternes : anciens contre modernes ?
Le sauternes est-il trop riche ?
Michel Garat : le sauternes a une image de vin trop riche, et cette image ne correspond pas toujours à la réalité. Mais ce sont les producteurs qui en sont responsables. Ils sont aidés en cela par la presse professionnelle, toujours à la recherche de vins concentrés et opulents: des styles de vin que le consommateur n’a pas forcément envie de boire (tout comme la critique cinématographique encense parfois des films que le spectateur n’a pas envie de voir !). Le sauternes, ce n’est pas que du sucre ! Dans une pâtisserie, fait-on son choix avec pour seul critère la teneur en sucres des gâteaux ?
Faire reconnaître par l’INAO un sauternes sec : une bonne idée pour avoir toujours du sauternes à commercialiser quels que soient les aléas du millésime ?
Michel Garat : je crains le brouillage d’image, l’ADN du sauternes résidant dans son caractère liquoreux. Je serais plutôt favorable à une segmentation de l’appellation, afin d’identifier pour le consommateur les vins en fonction de leur richesse (par exemple, un code couleur sur la contre-étiquette). Mieux vaut faire des « petits sauternes », plus légers, plus fruités l’année où le climat ne nous aide pas que des vins blancs secs dont il faudrait définir le profil. La réponse à cette problématique doit être issue du marché et non pas des producteurs : il ne suffit pas de créer l’appellation « sauternes sec » pour créer ipso facto le marché correspondant !
On parle de « nouveaux sauternes ». Quel est leur profil aromatique ?
Michel Garat : nouveau sauternes, oui, mais par rapport à quelle référence ? Les vins que nous faisons depuis une vingtaine d’années, de plus en plus concentrés ? Ou bien les vins que faisaient nos aînés, avec souvent une proportion plus grande de sauvignon et une moins grande concentration ? Les « nouveaux sauternes » ne marquent-ils pas plutôt un retour aux sources ? Un « nouveau sauternes », c’est un vin que l’on a envie de boire, en toute occasion, tout au long de l’année. C’est un vin qui fait plaisir au consommateur, sans le complexer.
Concrètement, c’est un vin qui, tout en respectant le cahier des charges de l’appellation, est tonique, offrant une gamme aromatique centrée sur le citron et le pomelo plutôt que sur l’abricot sec, les fruits confits et les épices. On l’obtient en diminuant la part du sémillon au profit du sauvignon, cépage plus vif et plus aromatique, qui représente entre 30 et 50 % de l’assemblage. En vendant à un stade précoce d’attaque de la pourriture noble, avant que le botrytis n’ait intégralement desséché et confit les grains.
En proposant des cocktails Sauternes - eau gazeuse, on va tout de même plus loin ! Comprenez-vous que cette approche puisse être vue par les puristes comme une offense faite au Grand Vin, fruit d’un terroir toujours cité comme emblématique ?
Michel Garat : en préconisant un mélange sauternes-eau gazeuse, nous donnons au consommateur de nouvelles idées de dégustation ; cela participe aussi, il est vrai, à la désacralisation (nécessaire) du sauternes.
La fine à l’eau, mélange de cognac et d’eau gazeuse, a longtemps été en vogue et cela reste une façon agréable de consommer du cognac : de même, on a longtemps bu le whisky avec du Perrier.
Il ne viendrait à l’idée de personne de faire une fine à l’eau avec un cognac hors d’âge ou de boire un vieux Single Malt avec du Perrier : gageons que les amateurs ne boiront pas un Yquem 1947 avec du Perrier ! Il faut donner de nouvelles idées au consommateur et non lui imposer des modes de consommation qui ne correspondent plus à sa façon de boire et de manger !
Propos recueillis par Christine Cuperly.
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