Le sauternes en 2015, un vin de niche ?
Sauternes est une des appellations françaises les plus célèbres, et pourtant, en dehors des foires aux vins, on en trouve fort peu en grande surface…
Michel Garat : On en trouve fort peu, car les grandes surfaces distribuent essentiellement les grands crus classés, lors des foires au vin, et des vins d’entrée de gamme à bas prix. Le milieu de gamme, qui est le cœur du marché, est peu représenté. Sauternes représente 1 % de la production totale des vins de Bordeaux et les négociants bordelais sont très peu (et mal) impliqués dans sa distribution. La vente et la distribution d’un sauternes n’a rien à voir avec celle d’un vin rouge : il s’agit d’une vente de petites quantités à de nombreux clients – alors que c’est l’inverse en rouge.
Le sauternes est, dit-on, victime de son image de vin de fête et peinerait à se vendre. Alors qu’il se positionne à l’opposé du beaujolais nouveau, ne pâtit-il pas, lui aussi, d’un achat saisonnier… ?
Michel Garat : Le sauternes n’a malheureusement pas l’image d’un vin de fête (le champagne, lui, EST un vin de fête). En tout cas pas, il ne renvoie l’image de fête spontanée ou contemporaine. Sauternes a l’image d’un vin de tradition pour des occasions un peu passéistes (la communion du petit, le Noël familial…). Sauternes a l’image de ses grands crus classés, au premier rang desquels le Château d’Yquem. C’est une image statutaire intimidante pour de nouveaux consommateurs. Oui, la consommation de sauternes est saisonnière, en raison principalement de cette image. En dehors de la fin d’année, ses ventes faibles.
Une nouvelle coopérative vient de se constituer, ce qui n'est pas courant. Sauternes Vignerons a pour objectif de fournir la grande distribution en Sauternes de qualité. Vous croyez que cela va changer les choses?
Michel Garat : je suis assez réservé sur la création de cette coopérative, car le problème du sauternes ne réside pas dans sa production, mais plutôt dans sa distribution et dans son positionnement marketing. A la problématique de marché actuelle, nous répondons par la création d’une coop' : une réponse d’un autre temps, qui ramène au début du XX siècle ! C’est le produit et son marketing qu’il faut faire évoluer.
Comment imaginez-vous cette évolution ?
Il faut notamment diversifier le profil du sauternes. Et sa commercialisation. Ne plus imposer, par exemple, la vente en carton de 12 bouteilles de 75 cl (le panachage de vins divers proposé par des vendeurs en ligne est une excellente idée). Pour les vins liquoreux, les distributeurs devront faire accepter dans les linéaires les bouteilles de 50 cl.
Le défi est de taille dans un vignoble bordelais dominé par les vins rouges, qui phagocytent l’image de la production – et dont le nom, Bordeaux, renvoie à la couleur rouge ! Sait-on que de grands châteaux, lors des réceptions, servent du champagne et non des vins blancs de Bordeaux ?
Propos recueillis par Christine Cuperly