Millésime 2015 : « La Bourgogne bénie des dieux » !
Dix ans après le mythique millésime 2005, la Bourgogne semble avoir accouché de jumeaux à la constitution divine. Onze mois de gestation auront suffi pour donner naissance à une « fille chardonnay » mouchetée et sucrée comme un muscat, avec des formes plus généreuses au nord qu’au sud. « Le garçon pinot noir » affiche des proportions parfaites, dignes d’un manuel d’ampélographie (science des cépages). Des grains compacts à la peau ferme et aux pépins craquants comme des noisettes, signe de maturité complète.
Quand Chablis vendange avant Nuit-Saint-Georges
Si le Mâconnais a commencé de récolter autour du 25 août c’est parce que le mustimètre - appareil servant a calculer le degré alccolique potentiel d'un vin - annonçait déjà 13° d’alcool potentiel. La faute à la chaleur estivale et à l’absence d’eau en août qui ont concentré le jus des raisins. Pour Romain Cornin à Chaîntré « il fallait aller vite pour éviter de perdre de l’équilibre et garder de l’acidité ».
Cette peur de la surmaturité, les vignerons de la Côte de Beaune l’ont aussi éprouvée. Si certains domaines ont commencé la récolte fin août, la grande majorité a vendangé entre le 1er et le 10 septembre, avant des passages pluvieux épisodiques - séchés les lendemains par un vent salvateur évitant ainsi la pourriture et regonflant les raisins : Saint Vincent a protégé ses enfants. Le réputé Jean-François Coche-Dury, de Meursault, évoque un millésime dans la droite ligne de 2005. Selon son fils Raphaël il sera même « supérieur ».
Si le 31 août, une vilaine grêle tardive a touché une partie du vignoble de l’Yonne, notamment à Chablis, elle a aussi apporté de l’eau avec les glaçons, « repulpant » après quelques jours des chardonnays assoiffés. De fait le rendement est meilleur que prévu, sauf dans les parcelles grêlées.
En Côte chalonnaise, Agnès Vitteaut-Alberti, élaboratrice de crémants, évoque la récolte en ces termes : « Les raisins étaient sains avec parfois un peu trop d’alcool, on va travailler nos assemblages pour équilibrer les vins de base. 2015 sera beau et bon». Idem pour Fred Gueugneau du domaine Gouffier, dont les mercurey et les rully sont « les plus beaux raisins coupés depuis mon installation en 2011 ».
La Côte de Nuits a profité de la grande fenêtre climatique du millésime pour attendre une maturité maximale. Alors que le Beaunois est parti avant les 100 jours de la fleur (une sorte de ban de vendange naturel, la vendange étant présumée mûre 100 jours après la floraison de la vigne), une grande partie de la Côte de Nuits a commencé après, (vers le 13 septembre), avec des fortunes diverses. Car la pourriture qui commençait de s’installer vers le 20 septembre aura imposé un tri et fait diminuer la récolte. Il n’en reste pas moins que 2015 s’annonce « magnifique avec des jus d’une grande pureté », selon Pierre Naigeon de Gevrey-Chambertin.
Si le rendement est inférieur pour les vins rouges, en pinot noir, en raison d’un millerandage important (toutes les grappes n’ont pas grossi), il reste bon, voire supérieur pour les vins blancs issus de chardonnay. Il est sûr que le choix de la date de récolte marquera des différences au sein de chacune des 100 appellations.
Si le résultat sera à confirmer en bouteille, votre palais restera votre meilleur guide.
Guillaume Baroin ®
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