Grandes années du vin - 1961 : le millésime du XXe siècle ?
1961 : des rendements limités
Ces mauvais coups de la météo n’eurent pas que des inconvénients. Un peu partout, le gel et la coulure eurent pour effet de pratiquer une « taille naturelle » des plus drastiques. De telles conditions auraient dû laisser le souvenir d’une année médiocre. Il n’en fut rien, et c’est au contraire à des images de chaleur qu’est associé 1961. Aussi chauds que secs, les mois de juillet et d’août assurèrent en effet d’excellentes conditions de maturation aux raisins rescapés.
Le beau temps s’étant prolongé en septembre, ce fut sous un soleil radieux que se déroulèrent les vendanges. Celles-ci purent être d’autant plus soignées que la récolte était peu abondante. Tout annonçait donc un très grand millésime, à une condition toutefois : ne pas attendre, pour ramasser les grappes, une pluie miraculeuse qui serait venue gonfler les raisins et augmenter le volume de la vendange ; l’attente aurait été vaine d’ailleurs, car le miracle ne s’est pas produit.
Bordeaux 1961, le millésime du siècle ?
Ce fut à un autre prodige qu’on assista. En matière de qualité, 1961 fut une année d’exception. Particulièrement en Bordelais, où d’excellentes conditions climatiques permirent d’obtenir un millésime étonnant par sa concentration et sa richesse. Très tôt, les spécialistes comprirent qu’il était à rapprocher des mythiques 1928 et 1945 ; certains allèrent plus loin en se demandant s’il n’allait pas être le vrai « millésime du siècle ».
Ces bouteilles de grande garde ont mis douze ou quinze ans à s’ouvrir, et leur apogée fut d’une durée rarement égalée. Pour certains crus, comme Château Latour, celui-ci s’est s’achevé avec le changement de millénaire. Aujourd’hui, ces vins méritent encore d’être dégustés : ils savent toujours surprendre par leur rondeur et leur fruit. Le millésime 1961 fut aussi mémorable pour les barsac et les sauternes. Seuls les vins blancs secs furent en retrait.
En Bourgogne, départ difficile, arrivée en beauté
Si dans la Loire le millésime fut bon mais sans appeler de superlatif, il fut remarquable en Bourgogne. Pourtant, à ses débuts, la campagne bourguignonne ne semblait pas devoir produire un vin dépassant une petite moyenne. Mais l’année 1961 fut très bonne et le résultat superbe, notamment pour les vins rouges, modèles de longévité. Certains (très rares), pour peu qu’ils aient été conservés dans des caves bien aménagées, sont encore appréciables aujourd’hui.
Les vins blancs ont cessé depuis bien des années de provoquer les mêmes sensations, mais ils ont été pendant longtemps excellents, dotés d’un très bon équilibre entre l’alcool et l’acidité.
La Champagne et l’Alsace sauvées par l’été 1961
Sans prétendre rivaliser avec les bordeaux et bourgognes rouges, les champagnes et les vins alsaciens ont connu avec 1961 de très belles réussites.
Pourtant, à l’instar des autres régions et comme dans les autres très bons millésimes de la décennie (1962, 1964, 1966 ou 1969), l’année avait plutôt mal commencé. Mais dans ces vignobles aussi, ce mauvais démarrage eut finalement des effets positifs sur le plan qualitatif. Grâce à un bel été et surtout à une superbe arrière-saison, le raisin est parvenu à une maturité optimale.
En vallée du Rhône : 1961 est une grande année
« Tip-top » : la formule d’un journaliste britannique à propos des crus de la vallée du Rhône était audacieuse mais parfaitement fondée. Colorés, aromatiques, amples, puissants et superbement bâtis, ces vins ont fait preuve d’une longévité exceptionnelle, avec une mention spéciale pour les châteauneuf-du-pape, hermitage et côte-rôtie.
Par Christine Cuperly