Paroles de coup de cœur : Patrick Charlin pour le montagnieu brut 2010 (bugey)
Altesse et mondeuse du Bugey
« Pour terminer ma carrière, je n’ai gardé que ces deux cépages là », avoue Patrick Charlin. « Et je regrette de ne pas en avoir planté davantage à mes débuts, il y a quarante ans. » Cépage blanc dont les grains prennent les couleurs de l’automne en mûrissant, l’altesse est appelée roussette. « Montagnieu est un terroir à altesse par excellence, un grand terroir à blancs », dit-il. Cette variété s’épanouit bien dans le terroir de Montagnieu : des argiles de sédimentation, très fines et riches en coquillages marins. Sur les coteaux pentus, tournés au sud-sud-ouest, là où le soleil tarde à se montrer le matin, elle recueille sa minéralité et sa fraîcheur. « Elle gagne à vieillir, elle arrive à son optimum vers quatre ou cinq ans et alors ses arômes évoluent jusqu’à la truffe. » Quant à la mondeuse, un des cépages rouges du Bugey et de Savoie, qu’on trouvait jadis jusqu’en Bourgogne, elle reste légère en alcool : « Elle ne prend jamais plus de 12 degrés, explique Patrick Charlin, ce qui est un avantage aujourd’hui où les températures se réchauffent et où les pinots noirs grimpent jusqu’à 14 degrés. » Le cépage, dont les grosses grappes évoquent la syrah, apprécie les terrains chauds, éboulis calcaires et graviers.…
Les pétillants de Montagnieu
« Il s’en fait ici depuis la sortie de la Guerre, raconte Patrick Charlin, la maison Guigard de Groslée en avait lancé la mode et les pétillants ont pris le dessus dans le Bugey. Comme ils étaient appréciés dans les bouchons de Lyon, tout le monde a suivi. Et l’altesse ne convenant pas pour les vins effervescents, le chardonnay a pris sa place. » Sur les moraines glaciaires du Bugey, un sol neutre, le chardonnay exprime ses caractères sans être contrarié par le terroir. Pour ses pétillants, Patrick Charlin l’assemble à une pointe d’altesse ou de mondeuse (environ 5 %, jusqu’à 15 % certaines années). « J’ai appris en Champagne, en stage à Cumières. Les montagnieu sont faits comme là-bas. Pressurage de vendanges entières et fermentation en bouteilles au printemps. » Le reste de la production du domaine se compose de vins nés de vendanges tardives, les « pressurages de novembre », et de rouges de mondeuse. La fin d’une histoire ? Patrick Charlin a planté ses premières vignes en 1975 − juste une cinquantaine d’ares − à Groslée. Son père lui avait donné les pâturages de ses vaches et ses oncles quelques rangs. « Vivre ailleurs, je n’y ai pas pensé, dit-il, et pour vivre au pays, à part la vigne… ». Après ses études au lycée viticole de Beaune, il s’est mis au travail. « Je ne suis jamais devenu riche, mais j’ai été patient. » Dans les années 1980, il a acheté quelques terres dans la commune de Briord, sur un coteau « qui avait un renom » : Montagnieu, puis a planté 6 ha de chardonnay et commencé à faire des vins pétillants. Aujourd’hui, après quarante ans de labeur, il se désole. Ses enfants ne sont pas prêts à prendre sa suite. Une fille aux Philippines, l’autre infirmière et le dernier encore au lycée, plus intéressé par ses études et le rugby que par la vigne. « Ils n’en veulent pas, c’est trop petit. Le vin se vend bien, mais ça ne gagne pas beaucoup. Ils nous ont trop vu à la peine.» À côté de chez lui, une propriété de 9 ha n’a pas trouvé preneur. « Il y a un malaise dans le Bas-Bugey », conclut-il, désabusé. Il n’a plus gardé que 3 ha de ses altesses et mondeuses favorites, et loue le reste de ses vignes… Qui veut reprendre les vignes de Patrick Charlin et retrouver la nature au pays de la gastronomie ?