Vieux Château Gaubert : Dominique Haverlan, élu vigneron de l'année du Guide Hachette des Vins 2022 dans le Bordelais
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Vieux Château Gaubert est votre propriété emblématique parmi vos réalisations. Quelle est son histoire ?
J’ai acheté ce qui était une ruine en 1988 pour en faire un château viticole dans son esprit du XVIIIes. C’est aujourd’hui notre lieu d’accueil et de prestige. À l’époque, je louais des bâtiments et il me fallait un endroit qui reflète un certain style, le goût de la qualité, pour y développer mon exploitation personnelle. Mes parents étaient viticulteurs à Portets, tout jeune je connaissais déjà cette propriété abandonnée. Je me suis battu pour l’acquérir après le décès de sa propriétaire en 1987. La mairie voulait en faire une zone commerciale, des lotissements. Cela a été l’œuvre de ma vie. Les travaux se sont étalés sur 20 ans…
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Comment était les vignes à cette époque ?
J’avais déjà 20 hectares de vignes autour du village. Dans le clos, il y avait 3 ha de vignes dont la production s’était arrêtée en 1945, les bâtiments étaient tombés. J’ai eu beaucoup de chance de pouvoir l’acheter avec l’idée que je mettrais le temps qu’il faut pour le restaurer, mais que je le ferais bien.
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Ce terroir avait-il pour vous du potentiel ?
Le terroir de Portets est exceptionnel pour la qualité de ses graves. Nous avons replanté à une densité de 8 000 pieds par hectares. Je suis un adepte des hautes densités. Les graves composent un sol maigre, peu fertile, les vignes peuvent être en stress hydrique. On ne peut pas produire trop de grappes par pied pour que les raisins soient de qualité. Il vaut mieux augmenter la densité et donc produire moins pas pied. C’est ce que font les crus classés.
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Quel millésime a vu, pour vous, le Château prendre son envol ?
Dès les premiers millésimes des années 1990, avec les vignobles que j’avais déjà. 1995, 1998 (qui avait eu un coup de cœur déjà) sont de beaux millésimes. Le vignoble avait vieilli et on obtenait des qualités intéressantes.
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Quelles sont les évolutions que vous aimeriez apporter maintenant ?
Nous avons planté des petits verdots, d’ailleurs dans ce millésime 2018, il y en a un peu (5 à 6 %), même si ce n’est pas indiqué sur l’étiquette. On en plante de plus en plus, c’est un cépage d’avenir dans les Graves. Il mûrit bien aujourd’hui, au même moment que le cabernet-sauvignon. Il apporte de la fraîcheur, un peu plus d’acidité, de la concentration en fruit. C’est un cépage très goûteux, riche. Il n’en faut pas beaucoup pour qu’il participe à l’équilibre dans les vins. Sur le plan commercial, nous n’étions pas ouverts à la vente directe du fait du chantier, c’est maintenant le cas depuis l’année dernière, même si ce n’est pas tombé au bon moment…
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Quels sont vos principes en matière de viticulture ?
Nous n’utilisons plus de phytosanitaires CMR (cancérogène, mutagène, reprotoxique), nous sommes certifiés HVE3 depuis 2018. C’est l’année aussi où j’ai eu le plaisir de voir mon fils, Romain, arriver sur l’exploitation. Il est ingénieur agronome et a vinifié dans divers pays : Etats-Unis, Nouvelle-Zélande, etc.
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Comment s’est présenté ce millésime 2018 ?
C’était une année difficile avec une forte pression de maladies, mais cela s’est plutôt bien passé. Nous avons aussi constaté une montée en puissance de la richesse en sucre des raisins. Nous n’avons pas trop poussé les maturités et les extractions pour conserver une certaine fraîcheur. Nous avons aussi diminué les températures de fermentation pour garder du fruit.
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À quelle échéance sera-t-il prêt à boire ?
J’aime boire ce type de millésime après 5 à 10 ans. Plutôt structuré, Vieux Château Gaubert évolue très bien plus longtemps également. Nous avons encore des 2000. Je suis capable de faire déguster 30 ans de millésime sans difficulté.