Grandes années du vin - 1985 : août fait le moût
Millésime 1985 : Des saisons bien marquées
Partout, l’hiver fut marqué par des conditions climatiques particulièrement rudes. En Champagne, le mercure chuta à – 26 °C au mois de janvier. Le printemps connut d’autres périodes de gel qui provoquèrent la mort de nombreux ceps et qui réduisirent localement le potentiel de production de près de 50 %, notamment dans l’Aube. L’Alsace ne fut pas épargnée par les gelées, mais les dommages les plus importants ont été enregistrés dans les secteurs de basse altitude.
En Bordelais, si la vague de froid de janvier ne fut pas trop destructrice, les pluies du printemps favorisèrent le développement de quelques foyers de mildiou. Néanmoins, la floraison se déroula normalement. De fait, ce furent les orages qui occasionnèrent les plus gros dégâts.
Malgré les froids hivernaux en Bourgogne, le débourrement se déroula bien. Toutefois, des gelées localisées affectèrent certaines parcelles du vignoble, donnant lieu à une récolte assez irrégulière en volume. Le retard constaté à la floraison fut largement compensé par les fortes chaleurs de l’été et de l’automne, et par une insolation intense et longue.
Partout en France, en effet, les conditions climatiques de l’été furent exceptionnelles et propices à la bonne maturation du raisin.
En Bordelais, un millésime pour amateurs patients
Complète dès le début des vendanges, la maturité s’améliora constamment. De même, en liquoreux, la surmaturité fut atteinte pour tous les cépages. Toutefois, en raison de la chaleur, il fallut attentivement surveiller les moûts et éviter une carence levurienne.
En blanc, la maturité parfaite fut à l’origine de vins francs et équilibrés, et la lenteur et la régularité des fermentations favorisèrent l’expression aromatique. S’ils ont largement dépassé leur apogée, ces vins ont laissé de beaux souvenirs, notamment les graves.
Sans être excessif, le botrytis se développa suffisamment pour permettre aux moelleux et liquoreux de trouver une belle expression. Certes, les amateurs ont dû faire preuve de patience pour les déguster, mais ils ont ensuite pu apprécier pleinement leur harmonie entre le sucre et l’acidité.
En rouge, des rendements limités ont favorisé l’obtention de vins de qualité : corsés dans leur jeunesse avec souvent des tanins assez durs, ils ont demandé quelques années avant de s’arrondir.
Dans les Graves comme en Médoc ou en Libournais, les vins présentaient une belle structure, et certains ont encore de réelles réserves (Libournais, saint-julien et pauillac notamment).
En Bourgogne, les charmes de la jeunesse et de l’âge mûr
À partir du 22 septembre, les vendangeurs récoltèrent des raisins parvenus à un parfait état de maturité, notamment en pinot noir. Si la fermentation alcoolique des moûts causa quelques soucis aux vinificateurs, la fermentation malolactique fut précoce et sans aucune entrave.
Même s’ils sont aujourd’hui sur le déclin, les vins blancs ont été de belle garde, avec une évolution aromatique de grande classe.
Exceptionnels, les vins rouges peuvent rivaliser avec les 1990. Agréables dès leur jeunesse, ils n’en ont pas moins montré un beau potentiel de garde et furent, pour les meilleurs, à leur apogée entre 2000 et 2005.
En Alsace, l’année des liquoreux
L’Alsace ne fit pas exception à la règle : grâce à la clémence des conditions météorologiques à partir de juin, l’état sanitaire des baies fut excellent, la maturité exceptionnelle et la concentration parfaite. Les vendanges tardives se poursuivirent assez tard et la récolte des raisins pour la sélection de grains nobles débuta dans les premiers jours de décembre. La richesse en sucre et la concentration ont rendu possible l’élaboration de liquoreux remarquables.
En Champagne, l’une des années du siècle
En Champagne aussi, l’état sanitaire était excellent lorsque se déroula la récolte, du 2 au 12 octobre. Les moûts n’étaient pas sans rappeler ceux de 1975 par leur composition. Riches et intenses, les vins se sont distingués par leur parfait équilibre entre la délicatesse et la puissance. Leur charme résidait également dans leur expression aromatique, mêlant subtilement des notes de miel, de fleurs et des odeurs de mousse automnale.
L’évolution des grands vins
À boire à partir de | À boire de préférence avant | |
Grands bordeaux rouges à majorité de cabernet-sauvignon | 1989-1995 | 2000-2012 |
Grands bordeaux rouges à majorité de merlot | 1988-1994 | 2000-2014 |
Sauternes-barsac | 1988-1995 | 2000-2005 |
Grands bordeaux blancs (secs) | 1988-1990 | 1990-1995 |
Grands bourgognes rouges | 1989-1994 | 2000-2005 |
Grands bourgognes blancs | 1987-1992 | 1996 |
Grands champagnes | 1990-1995 | 2000-2006 |
Grands vins rouges de la vallée du Rhône | 1989-1994 | 2000 |
Par Christine Cuperly