Sur la route des vins californiens (3) : au nord de la Napa Valley, de l’eau et du vin
Ici encore, laissons la parole aux spécialistes : « La Napa Valley symbolise la réussite contemporaine des vins des États-Unis. Son image est sans rapport avec son étendue relativement modeste (4 % seulement de la production californienne), car elle concentre bon nombre des noms les plus prestigieux. » (Extrait de l’ouvrage 100 vins du monde à connaître paru chez Hachette.) De fait, les domaines qui ont fait la renommée des vins californiens sont tous là : Mondavi, Stag’s Leap, Château Montelena, Hess, Clos du Val, etc. C’est également ici que de nombreuses grandes maisons champenoises ont décidé de poser leur valises, comme Moët & Chandon, Mumm ou encore Taittinger.
À Calistoga, on ne ressent pas encore le parfum de la célébrité. La ville, modeste mais agréable, est surtout connue pour ses eaux thermales et ses bains de boue ! Le soir au restaurant, une serveuse nous conseille non seulement pour le repas mais aussi pour les visites du lendemain. Elle connaît le « jugement de Paris » (certes plus publicisé ici qu’en France…) et recommande d’aller au Château Montelena, dont le chardonnay arriva devant les grands bourgognes blancs lors de la fameuse dégustation de 1976. Devant notre peu d’enthousiasme, elle hasarde une autre suggestion : la Summers Winery, qui s’est fait une spécialité du charbono.
Le charbono ? Un cépage oublié, la « douce noire » ou « corbeau », autrefois cultivé en treillages en Savoie associé au persan et à la mondeuse (d’après Pierre Galet, in Dictionnaire encyclopédique des cépages). Une variété que l’on ne trouve plus guère qu’en Italie (sous le nom de dolcetto), en Argentine et, donc, en Californie. Va pour le charbono…
Après un détour pour voir le Old Faithful Geyser (activité thermale oblige), arrivée à la Villa Andriana (autre nom de la winery de la famille Summers). Heureuse surprise : pas un visiteur ; visiblement, les touristes sont trop occupés à se masser dans les célèbres caves. La dégustation coûte 10 $ pour 6 vins (on aura même en prime un coup de cabernet rosé), un prix raisonnable pour la région, mais surtout un forfait déduit du montant total si on achète des bouteilles ! Une formule plutôt intelligente, qui permet de déguster sans « pression ».
Au menu : chardonnay, charbono, zinfandel, merlot, cabernet-sauvignon, assemblage bordelais (une remarque en passant : si les monocépages sont volontiers mis en avant aux États-Unis, les « assemblages » constituent souvent le haut de gamme d’une production…). Globalement, une dégustation plutôt agréable. Les vins évitent la surmaturité qui semble caractériser le gros de la production locale et affichent une belle fraîcheur. Le charbono ? Un joli fruit frais, de l’acidité sans excès, une chair douce quoique légèrement amère en finale. Pour le déguster, le vigneron conseille de croquer dans une tomate cerise, afin de jouer l’alliance des acidités. De même pour le merlot fournira-t-il quelques grains de chocolat noir, et pour le cabernet de chocolat blanc.
On repart plutôt content, avec deux bouteilles de charbono (le nombre est limité !) à faire goûter en France au retour (accompagné de charcuteries de montagne plutôt que d’une salade de tomates !). On file alors vers les grands noms de la vallée, qui ne parviendront pourtant que difficilement à retenir notre attention : trop gros, trop clinquants, trop chers. Chez Mondavi, dont on peut par ailleurs saluer l’élégance du bâtiment, sorte d’hacienda aux pelouses impeccables saupoudrées de sculptures modernes, la dégustation coûte 20 $ pour… 3 vins ! Trop, c’est trop, on rentre à San Francisco…