Rencontre avec Philippe Faure-Brac (4) : des émotions et des souvenirs
Le partage autour du vin, les rencontres, ce sont des mots que vous employez souvent. Plus que celui de sensations.
C’est une dimension extrêmement importante. On ne boit pas une bouteille tout seul, en cachette. On aime en parler. Partager avec les mots. C’est une émotion partagée, avec le respect des autres. C’est pourquoi je ne leur dis jamais, « Vous n’êtes pas à mon niveau ». Chacun dans sa propre évolution personnelle vers le goût peut avoir sa propre vision. Chacun a des seuils de sensibilité différents. Et le goût évolue avec le temps. Et mille choses de la vie peuvent interférer. On ne goûte pas avec le palais de quelqu’un d’autre.
Quel est votre meilleur souvenir de sommelier ?
La bouteille qui m’a le plus impressionné à ce jour, c’est un Cheval Blanc 1947. un vin de légende, un vin éternel. Je l’ai goûté à trois reprises. Il est sublime de nuances, de densité, de chair. On a l’impression de le croquer. La concentration de sa couleur est extraordinaire, la complexité de son nez exceptionnelle. Un nez de notes tertiaires, de sous-bois humide, légèrement truffé. Avec encore du fruit, des fruits noirs macérés, mûres, cassis, évoluant sur des notes de graphite, de santal, de bois rares. Et une fraîcheur incroyable, minérale et acide, sur des tanins assez présents et d’une grande longueur. J’ai eu des émotions assez équivalentes avec un Lafite 1959, un Mouton-Rothschild 1945, une Romanée-Conti 1929 et une Côte-Rôtie 1978.
Votre meilleur souvenir d’homme ?
La plus grande émotion professionnelle : la victoire à Rio, être le meilleur au monde dans ce qu’on a choisi de faire. Les autres sont liées à ma famille, mes enfants, ma femme. Je me sens chanceux d’avoir autour de moi une famille qui accepte qui je suis et ce que je fais.