Rencontre avec Philippe Faure-Brac (2) : la consécration d’un sommelier
Selon la définition première, dans un établissement de restauration c’est celui qui s’occupe de l’ensemble des boissons : de la sélection à l’approvisionnement et au stockage, jusqu’au service. Aujourd’hui, le métier s’étend au conseil. De nombreux cavistes dans les magasins et les supermarchés ont acquis une formation de sommelier.
Quelles sont les qualités requises pour être sommelier ?
Disposer de capacités d’analyse et de discrimination olfactive et gustative, et d’un pouvoir de mémorisation important. Ensuite, il faut aimer partager, être attentif aux autres. Les émotions que l’on ressent à la dégustation ouvrent des univers très vastes. On découvre tous les jours des univers à explorer. J’apprends encore et pourtant je fais ce métier depuis trente ans. J’ajoute que le métier de sommelier exige des qualités de gestionnaire, car confectionner une carte des vins coûte très cher.
Quels sont les vignobles que vous aimez ?
Les Côtes du Rhône, c’est une région que je connais bien. Il y a des vins repères : j’ai une affection particulière pour le côte-rôtie, son côté fruits noirs, mûrs et frais, le côté minéral fort de la falaise, ses saveurs d’épices poivrées, presque orientales. J’ai une affection aussi pour la Provence et la Corse. On y trouve beaucoup d’originalité et de diversité. Pour les Bordeaux et Bourgogne, on est dans les nuances, dans le grand. C’est plus figé que ce qu’on fait en Méditerranée et dans la vallée du Rhône. Les vins du Sud sont sincères, chaleureux, pourvus d’une grande expression aromatique. Ils sont devenus beaucoup plus équilibrés, avec le fruit, les épices, la minéralité qu’on trouve dans les terroirs de ces régions. Ce sont des vins que l’on boit jeunes mais qui savent aussi se garder. Ils offrent différentes phases de plaisir et ils vont bien avec la cuisine que j’aime. Avec tout ce qui existe à travers la planète, on a la chance de pouvoir trouver des vins différents presque chaque jour. Il y a des jours où j’ai envie de boire des vins simples, francs, juste sur le fruit, comme des beaujolais primeurs ou des vins du Val de Loire. D’autres fois, avec des confrères, on goûte des vins plus sophistiqués, comme un châteauneuf-du-pape 1989, une pure merveille, ou une romanée-conti 2001, l’archétype du vin de dentelle, avec un drapé, une race extraordinaire. Je suis partisan de cette diversité, je ne dis jamais : voilà LE vin que j’aime.
Rio 1992, vous êtes élu meilleur sommelier du monde, qu’est ce qui vous a fait gagner ?
Un moment grandiose ! J’en garde de grands souvenirs, celui d’une rencontre avec un pays, le Brésil, et avec des confrères venus du monde entier. Il y avait 36 finalistes. Croiser le verre et croiser le verbe. Le plus difficile, c’est de rester concentré, de garder en ordre ses idées. Ce qui a fait la différence, ce sont des détails, mais surtout c’était ma motivation, mon travail acharné pendant 10 ans pour être prêt ce jour-là. Ma femme Nadine m’avait coaché pour la préparation. Et mes études de cuisine m’ont beaucoup aidé.