Rencontre avec Philippe Faure-Brac (1): de Marseille à Paris
Il est de Marseille, natif de Saint-Giniez et enfant du Redon. Tous ses souvenirs d’enfance se raccrochent à son quartier. Aux vacances, il a grandi à Briançon, chez la grand-mère qui tenait le restaurant des Trois Chamois. Sur les rives de la Méditerranée, les repas familiaux l’ont imprégné des parfums d’en bas, oursins, poissons de la bouillabaisse, artichauts violets, les herbes de senteur des promenades dans les calanques, la brise marine. Et le foot, comme tous les gamins du port de l’Olympique. Le Stade vélodrome est dans ses gènes et le cuir étoilé roule dans ses veines. Il a appris la géographie grâce aux stars de l’équipe. Suède, capitale : Magnusson. Serbie : capitale Skoblar. Quartiers nord, chef-lieu : Zidane. Pour l’arithmétique et la géométrie, il révisait sur les lignes blanches dans l’herbe : point de pénalty, angle droit du corner et rond central du coup d’envoi. Supporter à vie de l’OM, ça ne se discute pas.
Dans les contreforts des Alpes, aux Trois Chamois, avec un grand-père chasseur et la grand-mère derrière les marmites, il a savouré l’arrière-pays à table, rôtis et civets, daubes, pieds paquets, soupe au pistou, et desserts de tartes aux myrtilles, aux mûres de ronce ou aux fraises des bois. Premiers jalons d’une éducation. Son premier vin goûté, il avait une douzaine d’années, était un muscat-de-beaumes-de-venise. « Très raisins frais, fruits du verger », se souvient-il. Vers ses quatorze, quinze ans, il eut droit à la traversée de la vallée du Rhône: Chateauneuf-du-Pape, Gigondas et Vacqueyras. Et bientôt, après sa troisième, la voie était choisie : ce serait la gastronomie et l’école hôtelière. Avec les encouragements du père.
Direction CAP à Sisteron, puis BTH-restauration à Grenoble et enfin BTS-gestion à l’Ecole hôtelière de Nice. Et petit à petit, le vin a fait son chemin et s’est imposé comme une évidence. Ce qui était un jeu au début, en préparant les plats : « Quel vin mettre sur tel plat ? », est devenu tout un art. Et la proposition s’est inversée : « Quel plat avec tel vin ? » Le vin d’abord et avant tout. De convive il est devenu hôte. « Il est plus judicieux de partir du vin que l’inverse » confirme aujourd’hui le sommelier accompli. « Le vin, il est fait. L’intervention à son égard est restreinte, on doit juste l’amener à bonne température, choisir une carafe et des verres appropriés. En revanche en cuisine, on peut changer la cuisson du plat, son assaisonnement, la sauce, la garniture, on peut modifier du tout au tout son équilibre. Ce n’est pas le cas pour le vin. »Son violon d’Ingres, c’est la musique. Le chant. Il interprète volontiers les classiques du répertoire : Brel, Brassens, Bécaud, Nougaro, Lama. Et avec talent, il écrit parfois des chansons, que ses copains musiciens lui mettent en musique. Les compères du Bistrot du Sommelier en témoignent, il n’a pas que ses papilles dans sa poche, les cordes vocales aussi sont affûtées, souples et fruitées. « Les Vendredis du vigneron se terminent souvent en chansons », sourit-il. « Ce sont des moments de partage, de rencontre. Des plaisirs de la vie que j’apprécie beaucoup ». Il paraît que son confrère Georges Lepré, l’ancien sommelier du Ritz, possède une voix de ténor magnifique et qu’il était sans doute promis à une belle carrière dans l’opéra. Mais il a préféré la voie du vin.
Quand on aborde son métier de sommelier, sa passion, sa raison d’être, Philippe Faure-Brac est un intarissable bavard. Profitons-en.
William Luret