Le service des vins
QUAND FAUT-IL BOIRE UN VIN DE GARDE ?
Un vin de garde connaît trois phases au cours de sa vie en bouteille : d’abord une phase d’ascension qui traduit sa maturation et son amélioration, puis une phase de plafonnement correspondant à son apogée – son point d’épanouissement optimal – enfin, une phase descendante correspondant à son déclin. Les vins évoluent de manière très différente. Selon leur appellation – et donc selon le cépage, le terroir et la vinification – ils peuvent atteindre leur apogée après une garde plus ou moins longue : de un à vingt ans. La qualité du millésime influe aussi sur leur longévité : un vin de « petit millésime » peut évoluer deux ou trois fois plus rapidement. Les conditions de stockage modifient encore la donne : un vin qui n’est pas laissé en cave, à une température fraîche et constante, vieillit plus rapidement. Néanmoins, vous pouvez évaluer le potentiel de vieillissement de vos vins selon leur origine géographique. Vous en modulerez ensuite le temps de garde en fonction des conditions de conservation et de votre connaissance des millésimes.
LES RÈGLES DU SERVICE
Rien ne doit être négligé, de l’enlèvement de la bouteille en cave jusqu’au moment du service dans le verre. Plus un vin est âgé, plus il exige de soins. La bouteille sera prise sur pile et redressée lentement pour être amenée à table, à moins que vous ne la déposiez directement dans un panier verseur. Les vins de peu d’ambition seront servis de la façon la plus simple, tandis que les vins de grand âge, très fragiles, seront versés de la bouteille soigneusement déposée dans le panier, dans l’exacte position qu’elle occupait sur la pile. Les vins jeunes comme les vins robustes gagnent à être décantés, soit pour les aérer parce qu’ils contiennent encore quelques traces de gaz carbonique, souvenir de la fermentation, soit pour amorcer une oxydation bénéfique à l’expression aromatique, ou encore pour isoler le vin des sédiments déposés au fond de la bouteille avec le temps. Dans ce dernier cas, vous transvaserez le vin avec soin, si possible devant une source lumineuse. L’usage traditionnel de la bougie, qui date d’avant l’éclairage électrique, n’apporte aucun avantage.
QUAND DÉBOUCHER, QUAND SERVIR ?
Selon le professeur Émile Peynaud, il est inutile d’ôter le bouchon longtemps avant de consommer le vin, la surface en contact avec l’air étant trop petite. Cependant, le tableau ci-dessous résume des usages qui, s’ils n’améliorent pas systématiquement le vin, ne l’abîment jamais.
Vins blancs aromatiques Vins primeurs rouges et blancs Vins courants rouges et blancs Vins rosés |
Déboucher, boire sans délai. Bouteille verticale. |
Vins blancs de la Loire Vins blancs liquoreux |
Déboucher, attendre 1 h. Bouteille verticale. |
Vins rouges jeunes Vins rouges à leur apogée |
Décanter 1/2 h à 2 h avant consommation. |
Vins rouges anciens fragiles |
Déboucher en panier verseur et servir sans délai ; éventuellement décanter et consommer tout de suite. |
DÉBOUCHER
Vous couperez la capsule en dessous de la bague ou au milieu. Le vin ne doit pas entrer en contact avec le métal de la capsule. Dans le cas où le goulot est ciré, vous donnerez de petits coups afin d’écailler la cire ou, mieux, enlèverez la cire avec un couteau sur la partie supérieure du col, cette méthode ayant l’avantage de ne pas ébranler la bouteille et le vin. Pour extraire le bouchon, seul le tire-bouchon à vis en queue de cochon donne satisfaction (avec le tirebouchon à lames, d’un maniement délicat). Il faut éviter de transpercer le bouchon. Une fois extrait, vous le humerez : il ne doit présenter aucune odeur parasite et ne pas sentir le liège, ce qui laisse suspecter un goût de bouchon. Ensuite, goûtez le vin avant de le servir aux convives.
À QUELLE TEMPÉRATURE ?
On peut tuer un vin en le servant à une température inadéquate. Vérifiez la température de service à l’aide d’un thermomètre à vin, de poche si vous allez au restaurant ou à plonger dans la bouteille lorsque vous opérez chez vous. La température idéale est fonction du type de vin, de son âge et, dans une moindre mesure, de la température ambiante. Les vins rouges se dégustent à une température plus élevée que les blancs, car le froid durcit les tanins. Les vins jeunes se servent plus frais que les vins âgés. Les vins doux et les effervescents s’apprécient très frais, mais non glacés. On sert légèrement plus frais les vins destinés à l’apéritif que ceux qui accompagnent le repas. N’oubliez pas que le vin se réchauffe dans le verre. Vous tiendrez compte aussi du climat de la région ou de la température qui règne dans la pièce : sous un climat torride, un vin à 11 °C paraîtra glacé, vous le porterez à 13 ou 14 °C. Au-delà de 20 °C, des phénomènes physico-chimiques altèrent la qualité du vin et le plaisir que l’on peut en attendre.
Grands vins rouges de Bordeaux à leur apogée : 16-17 °C
Grands vins rouges de Bourgogne à leur apogée : 15-16 °C
Grands vins rouges avant leur apogée, vins rouges de qualité : 14-16 °C
Grands vins blancs secs : 14-16 °C
Vins rouges légers, fruités, jeunes : 11-12 °C
Vins primeurs et rosés, vins blancs secs vifs et légers : 10-12 °C
Champagne, crémants, vins effervescents : 7-8 °C
Vins liquoreux : 6 °C
LES VERRES
À chaque région correspond un type de verre. Dans la pratique, vous vous contenterez soit d’un verre universel (de style verre à dégustation), soit des deux types les plus usités, le verre à bordeaux et le verre à bourgogne. Vous laverez vos verres à l’eau claire ou légèrement savonneuse, avant de bien les rincer et de les faire sécher à l’air libre, tête en bas. Quel que soit le verre choisi, vous le remplirez modérément, plus près du tiers que de la moitié.
L’ORDRE DE SERVICE DES VINS
Bien sûr, rien ne vous empêche de servir un vin unique pour tout le repas. Cette pratique s’accorde avec les impératifs de modération et la simplicité des repas courants. Vous choisirez alors un vin facile à accorder avec la plupart des mets du repas ; vous pouvez aussi réserver la bouteille au plat principal, en suivant les règles d’accord des mets et des vins. Si vous souhaitez offrir à vos convives plusieurs types de vin, vous réfléchirez à leur ordre de service. Aucun vin ne doit faire regretter le précédent, donc il s’agit d’aller crescendo : en règle générale du vin le plus jeune au plus vieux, du plus léger au plus corsé. Le plus souvent, du blanc au rouge. Mais certains vins blancs gras ou liquoreux ont une telle puissance qu’ils écrasent les rouges qui les suivent. De même, les vins jeunes et très tanniques peuvent saturer les papilles au point de les anesthésier pour des vins plus âgés, donc plus subtils. Il vous faudra donc parfois bousculer l’ordre établi.