Marie-Hélène Lévêque, élue vigneronne de l'année du Guide Hachette des Vins 2018, Château Chantegrive (Bordelais)

Il y a peu ou prou un quart de siècle, Marie-Hélène Lévêque quittait son emploi d’infirmière pour s’investir « corps et âme » dans la conduite du Ch. de Chantegrive. « Je n’ai pas travaillé d’arrache-pied pour m’imposer ce changement. J’étais depuis l’enfance imprégnée, physiquement, des arômes de la futaille et, mentalement, des fiévreuses activités de la vigne. » Au côté des siens – mère, frère et sœur –, elle relève le défi, perfectionne ses acquis, décidée à poursuivre l’œuvre initiée par son père, Henri Lévêque.

Ce dernier, disparu en 2009, était courtier de son état. Il croyait ferme à la qualité des « grabas de Bourdeu », dont les vins sont les seuls à porter le nom de leur sol. « Bien drainées », précise Marie-Hélène, « ces croupes de graves enrichies de cailloutis, galets et autres sables reposant sur des couches argilo-calcaires détiennent de prodigieuses potentialités. » De fait, à Chantegrive, parcellisé à l’extrême, on s’attache à respecter les sols plantés de merlot, de cabernet-sauvignon, de sémillon et de sauvignon blanc exposés sud sud-est et abrités des bourrasques par la forêt des Landes. « Mes parents ne pouvaient qu’être conquis à la perspective de faire vivre deux hectares de graves, situés autour de Chantegrive. ».

Marie-Hélène, à l’évocation du passé, rappellera, émue, que son père vendit sa collection de timbres. « Ses économies ne suffisaient pas. Je sais combien ce sacrifice lui a coûté. Affectivement. » Et à force de glaner, çà et là, de « petits bouts de vignes », l’exploitation grandit au point d’atteindre 97 ha, auxquels s’ajoutent bois et terres en attente de cépages.

Chantegrive, désormais propriété emblématique des Graves, multiplie les projets. « J’ai toujours vu des travaux ici », confirme Marie-Hélène, avant d’ajouter que les conseils d’Hubert De Boüard « fournissent de bons éclairages prospectifs ».

Les coups de cœur ? « Ils nous comblent de joie. D’autant qu’ils renvoient à un moment fort de l’existence de notre père, Henri Lévêque. C’est lui qui suggéra à Madame Montalbetti (NDLR : première directrice du Guide Hachette des Vins) le principe des dégustations à l’aveugle. Elles ne sont pas pour rien dans la renommée du Guide. »