AOC Armagnac
Couleurs(eau-de-vie)
Principaux cépages : folle blanche, ugni blanc, baco 22A, colombard.
Si les alcools mondiaux sont souvent devenus des produits industriels, l’armagnac s’inscrit dans un terroir assez restreint et maintient une production limitée, presque artisanale. Le vignoble, en forme de feuille de vigne, couvre 15 000 ha sur une partie des trois départements du Gers, des Landes et du Lot-et-Garonne, dont 3 700 sont identifiés pour la production d'armagnac.
Le climat, tempéré et doux, est marqué par l'influence océanique, atténuée cependant par la forêt des Landes, tandis que les premières influences méditerranéennes se ressentent à l'est de l’appellation avec le vent d'autan.
Aux origines
L'« eau qui brûle » : aygardent en gascon. L'armagnac est la plus ancienne eau-de-vie de France, mentionnée dès le XIVes., notamment dans un ouvrage de Vital Dufour, prieur d'Eauze et de Saint-Mont, par ailleurs médecin. Dès le siècle suivant, sa production et sa consommation sont attestées, ainsi que sa commercialisation sur le marché de Saint-Sever dans les Landes.
À l’origine de l’essor de la distillation, on trouve les négociants hollandais, qui encouragent les vignes blanches dans tout le Sud-Ouest : elles donnent à la fois des vins blancs et des eaux-de-vie, les secondes venant souvent enrichir les premiers. Les Bordelais imposent leur monopole sur le trafic fluvial des vins sur la Garonne, mais ce privilège ne concerne pas l’alcool et la Gascogne se couvre d’alambics. L’eau-de-vie, de faible volume, voyage aussi par charroi et transite par l’Adour. Pour pallier l’irrégularité de la production, on stocke l’armagnac dans des fûts de chêne. Au XVIIIes., on découvre les bienfaits de ce long séjour dans le bois : l’armagnac y acquiert couleur, rondeur et complexité. Au début du XIXes. est mis au point l’alambic armagnacais qui reste utilisé de nos jours. Certains négociants construisent des chais, surveillent le vieillissement, mènent des opérations minutieuses d’assemblages pour faire apprécier l'armagnac pour lui-même. Après la crise phylloxérique, seul un quart des 100 000 ha de vigne a été replanté. Après la dernière guerre, la vente en bouteilles se répand, destinée à des amateurs exigeants. Aujourd’hui, 6 millions de bouteilles sont produites annuellement et exportées dans plus de 130 pays.
Les cépages
Parmi les dix cépages autorisés, on citera pour mémoire six variétés anciennes, qui ont presque disparu : la clairette de Gascogne, le jurançon blanc, le plant de graisse, le meslier Saint-François ou encore le mauzac blanc et rosé. L’armagnac provient principalement de quatre variétés.
La folle blanche (piquepoult) dominait le vignoble avant la crise phylloxérique qui toucha la région en 1878. Sa culture, délicate sur porte-greffes, a décliné. Ce cépage produit des eaux-de-vie fines et élégantes, souvent florales, particulièrement utilisées dans les armagnacs jeunes.
L'ugni blanc est le cépage de distillation par excellence. Vigoureux, capable de gros rendements, il engendre des vins acides et faibles en alcool, que les vignerons utilisent surtout en assemblage, mais qui produisent des eaux-de-vie fines et de qualité.
Le baco 22 A est le seul hybride subsistant dans le vignoble français. On sait que les croisements d’espèces américaines et de Vitis Vinifera, l’espèce européenne, s’étaient répandus dans tous les vignobles à la suite des attaques du phylloxéra, en raison de leur résistance au puceron. Autant ils donnent des vins décevants – ce qui a abouti à leur interdiction en 1935 –, autant le baco 22 confère aux eaux-de-vie des arômes de fruits mûrs, particulièrement après un long vieillissement, ainsi que de la rondeur et de la suavité. Les sables fauves du Bas-Armagnac lui sont propices.
Le colombard, très cultivé en Gascogne, produit surtout des vins de pays. Cépage aromatique, fruité et épicé, il est apprécié en assemblage.
Les terroirs
L’aire d’appellation comprend trois grands terroirs. À l’ouest, le Bas-Armagnac, dans les Landes et dans le Gers autour d’Eauze, produit sans doute les eaux-de-vie les plus réputées, légères, fruitées et délicates. Dans ce pays vallonné, la vigne couvre des terrains argilo-siliceux pauvres et acides, par endroits colorés par des éléments ferrugineux d'où leur nom de « sables fauves ».
Au centre, l'Armagnac-Ténarèze, drainé par la Baïse, couvre le nord-ouest du Gers, autour de Condom, et le sud du Lot-et-Garonne. Dans cette zone de transition, on trouve des boulbènes et des terreforts argilo-calcaires. Les eaux-de-vie qui y naissent sont généralement plus corsées que celle du Bas-Armagnac et atteignent leur plénitude après un long vieillissement. Au sud et à l'est, autour d’Auch et de Lectoure, le Haut-Armagnac est la zone la plus étendue, mais la vigne, qui ne représente que quelques îlots, ne produit guère que 5 % des eaux-de-vie. Elle est implantée à flanc de collines sur des sols essentiellement calcaires et argilo-calcaires.
L’élaboration
L’élaboration de l’armagnac passe par trois phases : la vinification, la distillation et le vieillissement. Après les vendanges au mois d'octobre, le vin est vinifié sans ajout de produit œnologique et en particulier de soufre, qui donnerait un mauvais goût. La distillation se pratique pendant l'hiver, au plus tard le 31 mars de l'année qui suit la récolte. Cette opération s’effectue à la propriété, parfois avec l'aide d'un « bouilleur ambulant », ou encore dans des maisons spécialisées ou des caves coopératives. Utilisé dans 95 % des cas, l’alambic à coulée continue contribue au caractère de l’armagnac. Son usage a été consacré par un brevet du roi en 1818. Au sortir de l'alambic, l'eau-de-vie, incolore, titre le plus souvent entre 52 à 60 % vol. À ce stade, l'armagnac est déjà d'une grande richesse aromatique : très fruité (prune, raisin) et souvent floral (fleur de vigne ou de tilleul).
Dès sa sortie de l'alambic, il est mis à vieillir dans des pièces de chêne neuf de 400 à 420 l. Au contact du bois, il s'imprègne de matières tanniques colorantes et aromatiques. La vanille, le pruneau et les fruits confits enrichissent sa palette, pendant que sa structure s’affine et s’adoucit. Le degré alcoolique diminue progressivement par évaporation de l'alcool – la part des anges –, qui représente quelques pour-cent de pertes par an.
Lorsque l'eau-de-vie apparaît suffisamment riche en tanins et arômes provenant du bois, le maître de chai la transfère dans des fûts de réemploi, qui ne laissent pas de goût et la laisse évoluer lentement. Le degré légal de commercialisation étant de 40 % vol., il peut ajouter par paliers successifs les « petites eaux » constituées d'un mélange d'eau distillée et d'armagnac. Quand il estime le vieillissement suffisant, il procède aux coupes – assemblage de plusieurs eaux-de-vie d'origine et d'âge différents dans le but d’obtenir un produit aux qualités constantes. Puis vient la mise en bouteilles.
Les styles
Les étiquettes portent diverses dénominations attribuées aux armagnacs en fonction de leur durée de vieillissement sous bois. Certains armagnacs sont millésimés (dix ans d'âge minimum) – une spécificité de l’appellation. La plupart proviennent d’assemblages. L'âge indiqué est toujours celui de l'eau-de-vie la plus jeune.
Le Trois Étoiles est ainsi un mariage de jeunes eaux-de-vie dont la plus récente a deux ans ; le VSOP (Very Superior Old Pale) a plus de quatre ans et le XO plus de cinq ; quant au hors d'âge, il s’agit d’un mariage d'eaux-de-vie dont la plus jeune a vieilli sous bois plus de dix ans. Certains de ces vieux armagnacs indiquent des mentions d'âge : 15 ans, 20 ans, 30 ans, etc.
Un décret du 27 mai 2005 a par ailleurs donné naissance à une nouvelle catégorie : la Blanche Armagnac. Une eau-de-vie qui ne connaît pas le bois mais qui doit être conservée sous contenant inerte dès la distillation terminée ; elle ne peut prétendre à l’agrément qu’après trois mois de maturation.
Apprécier l’armagnac
Les armagnacs les plus jeunes entrent dans des cocktails ou des recettes de cuisine ; les autres seront plutôt dégustés pour eux-mêmes. L’armagnac peut accompagner harmonieusement tout un repas, à condition de modérer les doses et de servir parallèlement un verre d'eau. Il s’accorde avec les tapas de l’apéritif, le foie gras, la cuisine sucrée-salée aux pruneaux ainsi que la cuisine asiatique. Il entre dans les sauces servies avec des viandes, des volailles et du gibier, et donnera une touche de délicatesse à de multiples desserts. C’est un compagnon de choix du roquefort. La Blanche peut se déguster simplement frappée ou en cocktail, mais également se marier à des poissons fumés ou à des tartes aux fruits (tarte au citron meringuée ou Tatin de poire par exemple).